Lors de ces quelques lignes, je souhaiterais revenir sur l’étude relative à l’ostéopathie, réalisée en mars 2021 « Effect of Osteopathic Manipulative Treatment vs Sham Treatment on Activity Limitations in Patients With Nonspecific Subacute and Chronic Low Back Pain ».

Étude qui a fait beaucoup parler dans le milieu de l’ostéopathie.

Nous pouvons remercier d’abord toutes les personnes qui ont porté à bien cette étude. En effet, c’est une étude randomisée qui montre le sérieux des ostéopathes en matière de protocole scientifique. Cela demande un travail considérable en amont mais aussi en aval de l’étude.

Nous pouvons aussi remercier l’hôpital Cochin qui a permis aux ostéopathes de s’immiscer dans le cadre médical, hospitalier pour le déroulement de l’étude.

Pour ma part, je trouve que cette étude a un véritable rôle pour orienter l’ostéopathie dans le sillon qui lui est dû. En effet, elle nous montre réellement qu’un traitement en thérapie manuelle standardisé n’a pas l’effet escompté ! Et même s’il est regrettable de restreindre l’ostéopathie à une thérapie manuelle standardisée, elle a au moins le mérite de faire avancer notre pensée concernant l’ostéopathie et ce que l’on peut attendre de cette médecine alternative.

 

Rappelons pour commencer le mélange ostéopathie / standardisation qui a été fait pour mener à bien cette étude.

Nous avons pris un fond ostéopathique, en gros une méthodologie (anamnèse – test – traitement – conseils), et des techniques d’ostéopathie (15 types de techniques sont au moins décrites dans les documents annexés à l’étude) sur lesquelles nous avons appliqué un cadre standardisé.

 

Standardisé au niveau de l’anamnèse (eappendix 2).

Standardisé au niveau des tests (7 tests – 10 minutes +/- 2 minutes).

Standardisé au niveau du rythme des séances (une séance toutes les deux semaines pendant 6 mois).

Standardisé au niveau du traitement (un seul type de technique – Les zones traitées d’adressent chez chaque patient avec la même technique, ou une variante si un inconfort est ressenti chez le patient) – temps de traitements 15 minutes +/- 2 minutes).

Standardisé au niveau des conseils (standard healthy lifestyle advice).

 

Au cours de toutes ces sessions, les zones qui ont le plus souvent été traitées sont dans l’ordre :

  • la colonne lombaire 890/947 (94.0) ;
  • la racine du mésentère 836/944 (88.6) ;
  • diaphragme 799/926 (86.3) ;
  • charnière atlanto-occipitale 749/925 (81.0) ;
  • articulation Sacro-ilique 554/910 (60.9) ;
  • articulation temporo-mandibulaire 482/912 (52.9) ;
  • articulation Talo-crurale 468/912 (51.3).

Nous pouvons tout de suite remarquer l’aspect « locaux-régional » des techniques les plus utilisées.

Qu’en était-il vraiment du besoin ostéopathique que nécessitaient les tissus du patient au moment de l’intervention de l’ostéopathe ? Qu’en était-il du psoas, des ischios jambiers, des quadriceps, des fessiers, des genoux, des vertèbres dorsales, de la voute plantaire ? Quel était le -ou les- tissus à étirer, contracter, masser, décoapter, truster, poncer, inhiber … ? Et dans quel ordre fallait-il les aborder ?

Par quoi ont vraiment été guidés les ostéopathes au cœur de cette étude ? La littérature, leurs convictions, leurs standardisations ou leurs ressentis ?

En restreignant le praticien, et donc le patient, à 7 tests et 7 techniques, un praticien est-il au maximum de ses capacités ?

Dans un cadre aussi orienté, un praticien peut-il réellement ressentir ce qu’il se passe sous ses doigts ?

La réalisation d’une technique ostéopathique ne demande pas les mêmes ajustements de la part du thérapeute qu’un acte médical. Ne laissons pas s’immiscer entre nous et les patients une cloison opaque et froide. Nous pouvons apporter bien plus à nos patients. Nous pouvons être complémentaires au médical, mais pas si nous essayons d’en prendre le même chemin.

L’ostéopathie s’adapte en temps réel au ressenti du praticien en rapport avec les besoins des tissus du patient. Le patient a peut-être besoin aujourd’hui de vider un trop plein émotionnel, la racine du mésentère a peut-être besoin d’une technique qui va se poursuivre ce jour pendant plus de 15 minutes… Seul le praticien au contact de « son » patient peut tenter de le percevoir, et de s’approcher en définitive du geste juste et de ce que l’Homme qui se cache derrière le patient a réellement besoin.

Nous n’arriverons pas à créer des traitements standardisés, malheureusement aucune formule magique, ou pilule ne pourra nous être délivrées…

Il faudra repartir de 0 à chaque consultation et avec chaque patient. Il nous faudra nous centrer, réfléchir, ressentir, ajuster…

Nous ne trouverons pas de solution unique pour 6 milliards d’individus. Non, ce n’est pas ça l’ostéopathie.

Standardiser des traitements, notre approche ou l’ostéopathie en général est une voie qui selon moi ne permettra pas aux ostéopathes d’utiliser leur plein potentiel et à l’ostéopathie de s’installer sur le long terme dans notre culture.

Pour reprendre le mot de Pierre Tricot, c’est presque « malhonnête »… d’associer le mot ostéopathie à cette étude. Néanmoins, nous pouvons voir grâce à cette étude les limites de la « standardisation » de l’ostéopathie.

Nous ne pouvons pas en vouloir aux différentes parties prenantes en charge de cette étude. En effet, la standardisation d’un traitement est la base de recevabilité d’une thérapeutique aujourd’hui. Et cela se plie parfaitement à l’usage des médicaments.

L’ostéopathie doit maintenant jouer avec ses propres cartes en inventant ses règles de « légitimité ».

 

Nous devons œuvrer pour standardiser des valeurs, une philosophie et même un cadre, à condition que le praticien soit libre d’exercer SON ostéopathie, au sein du cadre, à partir du moment où il respecte les tissus du patient.

Comment donner du sens aux nouvelles générations d’ostéopathes en standardisant leur travail ? La beauté de l’ostéopathie peut-elle survivre en devenant robotisée à moitié ? Lentement mais sûrement nous pouvons perdre ses valeurs et ses principes fondateurs. Ne laissons pas prendre à l’ostéopathie le chemin de l’agriculture conventionnelle.

 

 

Pour les étudiants ostéopathes, les médecins, les patients, les gens qui doutent du bien-fondé de l’ostéopathie, je tenais à vous avancer ceci :

 

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Sa connaissance en anatomie et son regard qu’il porte au corps ne permettent-ils pas à l’ostéopathe de proposer des ajustements au niveau de la posture ?

L’attrait pour l’alimentation ne permet-il pas à certains ostéopathes de proposer des ajustements dans la prise alimentaire ?

La main exercée du thérapeute ne permet-elle pas de mettre le doigt sur les tensions et de les dénouer ?

Le toucher intentionnel de l’ostéopathe ne permet-il pas de rassurer une zone traumatisée ?

Une oreille attentive et empathique ne permet-elle pas d’équilibrer un trop plein émotionnel ?

Des mots justes ne peuvent-ils pas réveiller ou redonner espoir ?

Notre vision de la vie ne nous permet-elle pas de poser des mots sur des incompréhensions et d’apaiser ainsi certaines angoisses ?

 

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Lorsque l’on a que ses mains comme outils pour travailler, on se doit d’approfondir chaque jour notre vision de l’homme et de développer toutes ces compétences.

 

L’ostéopathie est une approche holistique de l’Homme, et c’est cette globalité de l’Homme patient qui doit mener l’Homme thérapeute à devenir en soit holistique.